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Periple en Corse
15 septembre 2007

02 - Un courrier étonnant.

C’est avec une certaine fébrilité qu’il déchira l’enveloppe. Il n’en connaissait pas son contenu mais il savait qu’il allait se passer quelque chose d’important, voire de définitif. Il ne lui fallu pas plus de dix secondes pour mener à bien cette opération. Cela ne l’empêcha pas, malgré ce laps de temps très court, de penser,-  car Pierre avait cette faculté, comme tous les êtres sensiblement supérieurs à la moyenne, de mener à bien deux choses en même temps -, à cet évènement qui le taraude encore certaines nuits ou il lui avait fallu, un matin tout comme aujourd’hui, ouvrir une lettre de redressement fiscal (pour avoir omis de déclarer sa prime de vacances) tout en songeant qu’il avait, l’après midi même, un rendez-vous avec Sophie, quelques mois plus tard par un « oui » très officiel et franchement calamiteux. Chère Maman !

C’était une lettre officielle, avec une superbe « en-tête » au nom de : « Maître Pietrosimoni fils », Notaire, sis, 18, boulevard de la Revanche de Waterloo, Bloc H, bâtiment 12, 3ème sous-sol, face à la mer, 20 000 Ajaccio » Elle était accompagnée d’une sorte d’armoirie qui retraçait (en résumé, bien entendu) la vie tourmentée d’un certain empereur qui aurait, selon les informations écrites en lettres minuscules, marqué l’Histoire. Pierre, avait, ce que d’aucuns considéraient comme un défaut (alors qu’il nageait au milieu d’un océan de qualités), l’intelligence de mettre l’essentiel entre parenthèse, pour jeter un dévolu sur Le détail qui pouvait lui sembler plus important que le reste. Toujours ce sens supplémentaire. Cette façon d’appréhender les choses, aussi surprenante qu’elle soit, lui avait parfois été fort utile quand il s’était trouvé dans certaines situations périlleuses. Il avait eu le reflex, afin d’en savoir davantage sur la vie de cet empereur, de se précipiter sur « Mon premier Larousse » situé sur l’étagère de la chambre de son fils âgé de 10 ans. Oui, Pierre avait un fils. (De dix ans). Mais il avait craint de le réveiller. Alors il décida de différer une belle occasion d’enrichir sa culture générale. Il était temps de revenir à l’objet de cette intrigue : le corps de la lettre de Maître Pietrosimoni. Alors il logea dans un casier déjà bien encombré de son cerveau, réservé à ce qu’il appelait « ses affaires en instances » : l’armoirie, qui lui semblait un élément remarquable, ainsi que l’empereur. « On verra le moment venu » aimait-il se dire sans que jamais il n’ait le temps de se plonger dans ce fouillis indescriptible.

«  Ajaccio, le 7 avril 2007

Cher Monsieur,

J’ai l’immense plaisir de vous faire savoir que Monsieur Marc Antoine Jean Dominique Pierre Paul Ettori-Casanizzi,  né à Tenda di Borgu, Haute Corse, est décédé à l’âge de 53 ans, au lieu dit « A canedda », près de la commune de Tenda di Borgu, au croisement de la route de Tenda di Borgu et du chemin allant vers le lieu dit: « Casa di Donizzetti », derrière la chapelle Sta Lucia di Lamermora.

Son corps, criblé de balles, (il n’aurait pas souffert, ou si peu, d’après les dires d'Ange Pascualettini, chasseur qui passait par là, armé d'un fusil et d'un chien, et qui n’a pas jugé utile de donner ni son nom ni ses coordonnées, vu qu'il avait, paraît-il, fort à faire et qu'il n'aimait pas être dérangé dans sa sieste) tenait encore fermement dans sa main, repliée sous sa poitrine, une lettre qui vous était destinée et dont je vous joins une copie. C’est évidemment la teneur de cette lettre qui fait que je me réjouis de vous annoncer son décès, sans quoi, évidemment, j’aurais mêlé ma peine à la vôtre. Tout notaire que je sois, je n'en ai pas moins un coeur comme tout un chacun.

En attendant de vous rencontrer prochainement, je vous prie d’agréer, Monsieur, mes respectueuses salutations insulaires.

Maître Pietrosimoni

P.S.
Nous trouverez ci-joint, la lettre de votre ami. »

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