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Periple en Corse
3 octobre 2007

07 - Vers la mer

Il faisait encore nuit quand le téléphone coupa net le moteur de sa limousine qui le conduisait vers Los Angelès. Il étira ses jambes de tout son long sans problème. L’arrière de la voiture avait suffisamment de place pour contenir dix huit personnes, la table de salon, le home cinéma, le bar et un canapé de taille modeste (encore que), bien utile qui lui permettait de se détendre chaque fois qu’il avait accepté de diriger les visites particulières de son véhicule à l’intention de charmantes demoiselles, adhérentes d’un « cars club fans ». Il crut un instant que le chauffeur s’était arrêté pour faire le plein de bio carburant, en l’occurrence des essences extraites de l’épicarpe, qui est, comme chacun sait, la peau d’oranges, uniquement produites dans la Banana-Valley, proche de Jackson City, banlieue ouest de Sacramento. On ne traversait pas l’Etat de Conan le Barbare, appelé parfois par ses compatriotes et intimes « Schwarzenegger, Arnold » en polluant impunément notre belle planète.

Non, il faisait nuit noire et les plafonniers, composés uniquement d’appliques de Murano étaient tous éteints. Seule, la veilleuse indiquant la sortie de secours, diffusait une vague lumière permettant de se repérer dans les couloirs et de trouver les toilettes. Il était prêt à sermonner Brian pour cet arrêt intempestif quand le silence fut troublé par cette sonnerie du téléphone programmée à 5 heures du matin. L’heure des braves voyageurs. Impossible : pas sur la N27643 qui relie Victorville à Boulder City, le long de « Mojave National Preserve » !

Et pourtant ! Lorsqu’il entendit ces mots terribles : « Albert, magne toi l’cul, y s’ra pas temps pour s’taper l’Milassou* d’Raymonde », Pierrot comprit qu’il y avait un malaise : un rêve idiot, l’avait entraîné outre atlantique quelque peu prématurément. Il n’en était pas encore à écumer les casinos de Las Vegas. Pas encore. Mais il pensait que chaque kilomètre parcouru le rapprochait inexorablement vers un de ses rêves d’enfant : voir Céline Dion au Caesar Palace ! Pour l’instant, il n’était qu’à Brive, toute La Gaillarde qu’elle fut, même si cela ne changeait pas grand-chose à l’affaire. Dure fut la chute.

Il prit un petit déjeuner copieux, composé d’un peu de ragoût de mouton et de salade à la feta, le tout arrosé d’un succulent pichet de Gaillac. Il était fin prêt pour prendre la direction de Marseille après avoir payé l’addition qui effraya un peu sans pour autant écorner son enthousiasme. Au pire, c’était une bien maigre avance sur le magot. « Oh, Bonne Mère, me voilà ! » pensa-t-il, triomphant, sur un air de « je m’voyais déjà », tout sourire, se rappelant une réflexion de son frère Armand quand celui-ci regardait son équipe préférée affronter « l’Oème » à la télé. En effet, Armand avait un frère, prénommé Pierre.

Le ciel couvert, bien qu’il fit encore nuit, s’éclaircit progressivement en descendant vers le midi. La température montait au thermomètre du tableau de bord, au même rythme que son excitation. Il avalait les kilomètres comme certains périgourdins ingurgitent le boudin noir dans des concours du Comice Agricole. C’est à peine s’il regardait le paysage. Les panneaux défilaient devant lui sans qu’il y prenne garde. Sa boussole interne ne le trompait jamais : il l’avait réglée sur est-est-sud et il n’aurait pas dérogé à cette direction. Marseille, la ville de… ????, le port, le « Napoléon Bonaparte », bateau qui l’amènerait à la fortune. La fortune ! Cela lui rappelait une émission populaire de la télé, intitulée : la « route de la fortune ». Même s’il ne se rappelait plus trop de la règle du jeu, il savait qu’elle était animée par une magnifique blonde, comme il aimait. Il n’avait d’yeux que pour elle ; Sophie en beaucoup mieux. Beaucoup mieux. Quelle magnifique et généreuse animatrice, aidée qu’elle était, dans sa tâche, par un faire valoir, un certain Dechavanne. Beaucoup mieux que Sophie!

Bien qu’il ne quittait pas du regard la ligne blanche centrale de la route qui lui jouait des tours, parfois continue, parfois discontinue, parfois totalement absente, parfois double sans que le Gaillac y fut pour quelque chose, il remarqua, malgré tout, les toits de tuile de plus en plus fréquents se profiler à l’horizon de Barbeira. « On dirait le sud » se dit-il. Mais il ne prêta guère attention aux panneaux qui indiquaient les villes et villages tant de fois chantés par les poètes hélas disparus : « Souceyrac », « La Canourgue », « Anduze » etc, etc !

Enfin, vers 19 heures, l’urbanité du paysage devint de plus en plus marquée. La circulation devint plus dense aussi. Lorsqu’il croisa Marius et Jeannette il n’y eut plus de doute : Marseille, enfin !

* Spécialité Périgourdine : gâteau moelleux à base de farine de maïs et d’amandes. http://www.linternaute.com/femmes/cuisine/recette/315637/1199107867/
millas_perigourdin.shtml

Elle était accompagnée par un bruit bizarre qui n’étaient pas sans lui rappeler d’anciennes vacances chez sa tante à Gennevilliers : le « camion des poubelles ».

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