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Periple en Corse
29 septembre 2007

06 - Le départ

La route fut longue. Pierre avait prévu d’effectuer le trajet en deux jours en homme plein de prévoyance qu’il était, afin de se prémunir de tout aléa pour aller à Marseille. Pierre eût beau quitter son cher Plouhinec de bonne heure, il arriva tard le soir, à Brive la Gaillarde, dans un hôtel proche de la gare. Il était fatigué et les courbatures l’avaient fait souffrir et avaient gâché le plaisir du voyage. Marseille : ce n’est pas la porte à côté. Pourtant il avait soigneusement étudié la route qu’il devait prendre. En préparant avec tout les soins qui conviennent et fidèle à ses méthodes d’homme minutieux et prévoyant, il avait étalé pour cela, sur le sol de la salle à manger, la carte Michelin 989, et avait tracé au crayon une ligne droite joignant le lieu de départ au lieu d’arrivée, se rappelant que la ligne droite est le chemin le plus court pour aller d’un point à un autre. C’est ainsi que le parcours lui avait permis d’éviter la circulation insensée, notamment entre Quimper et Nantes, encombrée de poids bien trop lourds pour la petite Clio, préférant la tranquillité des chemins de traverse et le côtoiement bien sympathique des tracteurs et autres engins agricoles qui fleurissaient en ce beau jour de printemps pluvieux à souhait, comme on les aime en pays Bigouden.

Cependant, considérant le rapport entre la distance parcourue et le temps passé, il se demanda s’il avait bien fait d’opter pour un tel trajet. Quand il eut son fils (et Sophie) au téléphone, il lui demanda de faire un exercice de mathématiques consistant à calculer la moyenne horaire. Il lui donna les informations suivantes : heure de départ (6h00), heure d’arrivée (21h30), diminuée des temps d’arrêt (3h00) et enfin, le kilométrage effectué (672 km). N’étant pas trop « fort en maths » il avait préféré trouvé ce prétexte éducatif pour faire faire le travail par son fils. Il se demandait, en effet, s’il avait fait le bon choix. Trop tard pour envisager un autre trajet pour le lendemain : il était perdu au milieu du massif central et il n’avait d’autre issue que de continuer droit devant.

Après un bon repas bien reconstituant qu’il avait apprécié à sa juste valeur (il avait déjà oublié les huîtres de Cancale, il retourna dans sa chambre qui portait le numéro 4389 située au quatrième étage sans ascenseur. Modeste la chambre. La fenêtre donnait sur la cour et la douche n’était pas bien chaude. Pierre n’en avait cure. Il en avait connu bien pire. Il se consolait en se disant que, d’ici quelques jours, ce n’est plus l’hôtel des Aiguilleurs, à Brive, qu’il fréquenterait mais le Carlton à Cannes, le Crillon à Paris, le Waldorf Astoria à New York ! Belle revanche de la vie ! C’était même avec un peu de condescendance qu’il avait jeté un regard quelque peu hautain sur les rares clients qui se trouvaient encore dans le salon, à regarder « Desperate Housewives » à la télé dont les chambres n’étaient pas pourvues. La facilité de Pierre à s’adapter à une nouvelle situation comme à un nouvel environnement, était proprement déconcertante.

C’est quand il se glissa dans des draps qui avaient la fraîcheur et l’humidité de l’air extérieur que le téléphone le surpris : il était près de 23 heures et Konhouarn le rappelait pour lui donner la solution de son problème. Il avait cette petite voix qui trahissait la fatigue et le drame. Une gorge serrée et des reniflements : le courroux de Sophie avait dû s’abattre sur sa tête à cause des difficultés qu’il avait probablement rencontré pour résoudre cet exercice. Pierre le remercia chaleureusement avec quelques mots gentils, susceptibles de le rassurer tout en marmonnant des félicitations. Quand il eut raccroché, il culpabilisa et se demanda s’il n’y avait pas été un peu fort. Il n’était encore qu’en CE1

53,76 kilomètres par heure. Cela devait faire peu. Demain, il faudrait se lever encore plus tôt, il y a un bateau à prendre et pas question de le rater. Perdre une journée supplémentaire ce serait repousser d’un jour la date de l’arrivée de la fortune. A partir de maintenant, il allait falloir accélérer le mouvement et commencer par se dépêcher de dormir ce qui ne fut pas évident, attendu qu’il se mit à rêver, encore éveillé, au modèle de voiture qui allait remplacer sa Clio. En rentrant, il passerait chez Mercedes à Quimper chez Armor Autos. Comme ça, pour voir.

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